Oran, une Ville, une Vie.

Oran, une Ville, une Vie.

L'implantation

 

Pendant des jours et des nuits, les Français d'Algérie débarquent sur l'hexagone dans un état moral et physique pitoyable après leur longue attente sur les pistes et les quais d'embarquement. Ils sont démunis. La rapidité du départ et l'improvisation du remplissage des bagages leur avaient fait sauver le plus souvent ce qui était pour eux le plus précieux et qui n'avait pas forcément le plus de valeur. Les caissiers des banques ont révélé que la majorité des demandes de change était très faible. Beaucoup de familles n'avaient pour tout viatique que quelques billets de cinq mille anciens francs. Vaincus, dépouillés, les Français d'Algérie vont être calomniés par leurs frères métropolitains. - " En 1962, les "rapatriés" sont profondément déçus par une mère patrie qu'ils aimaient passionnément et pour laquelle ils devenaient des anticorps violemment rejetés… " (André Nouschi, Les Pieds-Noirs, ces minorités qui font la France, 1982).
Entre la métropole et les Français d'Algérie, le fossé n'a jamais été plus grand. Leurs compatriotes d'outre-Méditerranée se détournent d'eux, tandis qu'une partie de la presse métropolitaine les calomnie, leur attribuant tout à la fois : de scandaleuses fortunes et les méfaits de sévices coutumiers à l'encontre des Musulmans qu'ils méprisent, entre deux ratonnades et trois anisettes. " Le samedi soir après l'turbin"… comme dirait la chanson. - " Et aucun de ceux qui luttèrent avec passion et charité ostentatoire pour la libération des Musulmans opprimés, n'aura envers ceux qu'il a si efficacement contribué à discréditer d'abord, à expatrier ensuite, à dépouiller enfin, la moindre sollicitude " (Pierre Laffont). Le coeur de ces gens était-il si petit qu'il n'y avait pas de place pour tous ? (9). On est frappé par l'indifférence des élites françaises intellectuelles, politiques, religieuses et morales, à de rares exceptions près. Le journal La Croix du 24 février 1962, recommandait, au sujet des " jeunes rapatriés "qu'il fallait : "… Éviter de laisser notre jeunesse se contaminer au contact de garçons qui ont pris l'habitude de la violence poussée jusqu'au crime ". La Croix ! Le journal Libération du 30 mai 1962 appréhendait que les riches possédants français d'Algérie, profitent de leurs capitaux pour : " encourager la spéculation sur l'achat des terres et des maisons que les petites gens de chez nous ne peuvent plus acquérir devant la surenchère venue d'Afrique du Nord ". Le Français de métropole pense que le Français d'Algérie est riche et qu'il ne fait rien par lui-même, se contentant de faire travailler "l'Arabe" dont il " fait suer le burnous ". Il est un colon ! Terme considéré, encore de nos jours, comme péjoratif, bien que dérivant du latin colonus, il qualifie tout simplement un habitant non indigène qui cultive une terre, comme il y en a partout dans le monde, de la Palestine à l'Arkansas. Et faut-il rappeler que les colons les plus riches vivaient certes largement, mais jamais fastueusement. Leurs villas étaient confortables mais pas luxueuses : ni piscine, ni tennis. Rien à voir avec les ranchs fabuleux des propriétaires nord et sud américains. Notons au passage que les avantages sociaux (allocations familiales, allocations logement, de maternité, etc…) n'étaient pas les mêmes qu'en métropole, mais nettement inférieurs. En réalité, 10 % seulement étaient des colons vivant de la terre. La classe moyenne prédominait : petits commerçants, artisans, fonctionnaires, employés, professions libérales, dont le revenu moyen était de 20 % inférieur à celui des métropolitains. - " À lire une certaine presse, il semblerait vraiment que l'Algérie soit peuplée d'un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac " 90 % des Français d'Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants… Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur à celui des Arabes, est inférieur à celui de métropole " (Albert Camus, La Bonne conscience, L'Express, octobre 1955).
D'après Le Monde, journal dont on connaît l'objectivité (oblique) et le peu de sympathie qu'il portait à la cause de l'Algérie française, sur un million de Français d'Algérie, 15 000, soit moins de 2 % à peine, appartenaient à la classe aisée. Les médias, soucieux de distinguer des autochtones cette population, répandent le sobriquet de " Pieds-Noirs ".

Pieds-Noirs !

Interrogez les témoins, compulsez les livres, fouillez les archives. Il n'y a rien. Cinq générations d'Européens d'Algérie n'ont jamais connu cette appellation. On a utilisé depuis des décennies toutes les ressources de l'étymologie, de la sémantique et de l'exégèse pour tenter d'expliquer sa signification et, si nous en avons le temps, je vous en raconterai l'histoire.

Cette Épithète dérisoire et péjorative est répandue en métropole par des " gens bien intentionnés ", comme dirait Brassens. Les Français d'Algérie l'ont d'abord mal pris car cela voulait bien être un terme infamant, puis ils l'ont adopté comme emblème pour désarmer l'ironie. Les Français d'Algérie sont donc étiquetés Pieds-Noirs ! En plus, ils sont fichés : en blanc pour ceux qui disposent d'une résidence en France, en bleu pour ceux qui ont un point de chute mais pas les moyens de s'y rendre, en rose pour ceux qui n'ont aucun lieu de repli et ne disposent d'aucune ressource financière.



29/12/2015
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