Oran, une Ville, une Vie.

Oran, une Ville, une Vie.

5 juillet 1962 à Oran

Les jours précédant le massacre

                                                Le 26 juin 1962

Des camions militaires français, équipés de haut-parleurs, sillonnent les rues des grandes villes en incitant les Européens à descendre dans la rue, le 5 juillet, pour célébrer l'indépendance de l'Algérie. Ils recommenceront les jours suivants. Sans aucu n succès car fin juin-début juillet les européens n'ont qu'une préoccupation : sauver leur vie et fuir.

Le 1er juillet 1962

Les Algériens votent OUI à 99.72% au référendum sur l'indépendance de l'Algérie Elle sera proclamée et effective le 5.

Ce jour-là le général de Larminat , Président de la Cour militaire de justice, qui juge « les soldats perdus » de l'OAS se suicide. En juin 1962, pourtant déjà à la retraite, il accepte - non sans réticence - de présider la « Cour Militaire de Justice » devant laquelle doivent comparaître les soldats et civils de l'OAS. Il met fin à ses jours avant la première audience.

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5 juillet 1962 (jour de l'indépendance)

A Alger, à la demande du FLN, la France amnistie tous les condamnés à mort ou à peine du FLN qu'elle détient.

A Paris le lieutenant Roger Degeldre, responsable des commandos Delta de l'OAS, , est fusillé au fort d'IVRY.

A Oran, comme partout, les français retranchés dans leurs quartiers étaient réduits depuis 3 mois à de bruyantes et inutiles manifestation d'attachement à l'Algérie Française, et de soutien à l'OAS qui, pensaient-ils, était leur seul et dernier rempart contre l'anéantissement.

Là encore pour les faire taire et malgré les accords d'Evian, l'armée qui, rappelons-le, n'inquiète plus le FLN depuis le 19 mars, a tiré sur les populations civiles. Bien que les commandos OAS aient déjà évacué Oran (depuis le 17 juin ), Katz s'attribuera de cette façon le score de plusieurs "commandos OAS" éliminés. En outre il s'amusera à relâcher, de nuit en plein quartier arabe, les raflés, dont des adolescents, après interrogatoires "poussés".

Et pourtant tout ce qui arriva était prévisible sinon attendu. DE GAULLE avait même prédit une hécatombe .

 

Et qu'a fait Katz pour assurer la protection des civils européens et musulmans qui étaient, de l'avis de son chef vénéré, destinés à une hécatombe ?

Katz écrit (avec raison pour une fois) dans sa note n°99 du 20 juin 62 adressée à ses chefs de corps : que les FAF "contribueront par leur présence à rétablir et développer la confiance entre les communautés et qu'elles seront en mesure d'intervenir pour porter secours en cas d'agression aux ressortissants se réclamant de la Nationalité Française" fin de citation. *(1) 

—–Inutile de dire que cette note restera lettre morte et qu'elle fut contredite par des ordres stricts de non intervention la veille de l'indépendance.

Donc il ressort clairement de tout cela que la France était en droit d'intervenir pour protéger ses ressortissants selon les accords signés et en l'absence d'un protocole additionnel plus restrictif (puisque non signé du fait du FLN) au moins jusqu'à la fin des pouvoirs de l'exécutif provisoire, comme les délégués FLN l'écrivaient eux-mêmes au GPRA —–

C'est donc bien la France en la personne du Général De Gaulle (voir livre de Peyrefitte) qui unilatéralement n'a pas usé de ses prérogatives : abandonnant aux massacres des citoyens français, européens et musulmans placés sous sa protection ce au moins juridiquement jusqu'au 27 septembre 62 où la clause de remise totale de souveraineté prévue par les accords d'Evian a été remplie (avec retard du fait de la lutte qui sera encore sanglante, pour le pouvoir) * (2)
—–Il est à remarquer que le sentiment de culpabilité fut tel, qu'on ne retrouve plus de traces d'ordre écrit de non intervention que cependant certains officiers dont le Lieutenant Khellif affirment avoir dû émarger la veille de l'indépendance *(3)

 Pour les victimes françaises il est inconcevable qu'on s'en soit tenu au chiffre du Directeur FLN de l'hôpital d'Oran : 25 morts ! auquel l'Armée Française se réfère sans plus approfondir alors qu'au Consulat de France on déclarait 800 "disparus" dès les premiers jours *(4)

 

 

 

Aucune enquête sérieuse n'a été effectuée dans les quartiers Musulmans où les gens enlevés avaient été amenés et il y eut une complicité évidente entre les autorités militaires françaises et algériennes pour étouffer l'affaire dans le désordre et le chaos provoqués par l'exode des français d'Oranie.

La provocation du 5 juillet avait bien abouti : faire avancer vers le Pouvoir l'Armée des frontières, sous prétexte de rétablir l'ordre, faire peur aux Français dans la ville la plus européenne d'Algérie ce qui correspondait aux vues du clan arabisant d'Oujda conduit par Boumédienne et Ben Bella qui faisaient d'une pierre deux coups avec leurs services spéciaux qui sont toujours au pouvoir en Algérie *(5).

d'après l'article de J-F Paya

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Ce jour-là, à Oran surtout mais aussi dans le reste de l'Oranie et dans l'Algérois, 3000 pieds-noirs sont enlevés : 1617 sont assassinés, 856 libérés et 654 disparaissent à jamais puisque leur sort demeure à ce jour "incertain".

 

Sur ce cliché, des pieds-noirs libérés des geôles algeriennes, plusieurs mois apres l'indépendance

Camp de prisonniers français de l'ALN près d'Oran. Photo prise par l'aviation française : Les autorités savaient donc où se trouvaient les survivants, pourquoi avoir attendu pour les faire libérer. Juridiquement, d'après les accords d'Evian, les autorités françaises en avaient le droit jusqu'au 27 septembre 62 où la clause de remise totale de souveraineté a été remplie

Ces exactions se déroulent sous les yeux de l'armée française qui garde l'arme au pied : la troupe est consignée dans ses casernes. Or elle avait mission de veiller à la sécurité des Français. Les jours précédents, elle sillonnait le ville en diffusant des messages dans les hauts-parleurs afin de rassurer la population sur le mode "Ne craignez rien, nous sommes là "

 

 

 

 

 

 

 

Le général Katz, commandant en chef pour le secteur, la fera sortir quand le pire sera passé. Son attitude sera justifiée, outre son mépris pour les pieds-noirs, par une obéissance absolue aux ordres. En l'espèce : ne pas porter atteinte à la souveraineté algérienne.

Pour ce faits d'armes Katz sera cité à l'ordre de l'armée pour, entre autres, « avoir su rétablir et préserver avec force et dignitél'autorité légale et l'ordre public ».

Longtemps après, il dégagera encore sa responsabilité dans ce massacre de civils en assurant que le maintien de l'ordre lui avait été retiré pour être confié au tout nouveau préfet algérien, en évoquant des problèmes de liaisons téléphoniques, en minimisant les pertes et en suggérant que"les Européens n'avaient qu'à se barricader chez eux !" Cette journée sanglante accélèrera l'exode massif des pieds-noirs et vaincra les hésitations de ceux qui envisageaient de rester dans la nouvelle Algérie.

Etrange situation historique où l'on en veut moins au tueur qu'à celui qui n'a rien fait pour l'empêcher de tuer. Moins important et moins connu que le lâche abandon des harkis par la France, décision politique d'un déshonneur absolu qui demeurera une tache sur notre histoire, ce "détail" de l'épilogue de la guerre d'Algérie vient de faire l'objet d'une enquête historique fouillée, sereine mais implacable, basée sur les archives inédites du 2ème Bureau, de la gendarmerie, de la Croix-Rouge ainsi que sur des témoignages des protagonistes 

D'après : La tragédie dissimulée. Oran, 5 juillet 1962 de Jean Monneret.

Cele permettra, plus tard à Boumédiene de dire

 

 

 

 

 

 

 

Il y eut aussi les actes d'héroïsme, comme celui du lieutenant, Khellif, musulman servant dans l'armée française. Au risque de sa vie et de celles de ses soldats, il obtient la libération de plusieurs centaines d'Européens voués à la boucherie. Voici comment il a raconté la chose sur France- Culture: :

temoignagedulieutenantrabahkhelif.doc

Et voici comment certaines familles des disparus ont été informées 45 ans après

  nicelamortserinviteparcourrier.doc 

Enfin…les archives s'ouvrent. Elles portent sur les enlèvements d'Européens en 1962 et le massacre des harkis, sous le nez des autorités Françaises.

 Effrayant.

 

CELA SE PASSAIT LE 5 JUILLET 1962 A ORAN


Beaucoup d'oranais et surtout des femmes et des enfants avaient quitté la ville durant les trois mois précédents, mais on ne vide pas une ville de 400.000 habitants et de plus de nombreux habitants du bled s'y étaient réfugiés après l'abandon par l'armée française des villages et les exactions dans les fermes.

Du 1er juillet, date du vote de l'indépendance, jusqu'au 4, il n'y eut en ville que quelques défilés de voitures surchargées d'arabes, hommes et femmes hurlant des slogans et des you-you, mais en sommes, plutôt bon enfant…

Le 5, ordre avait été donné par radio d'ouvrir les magasins, les bureaux et de reprendre le travail. Or une foule déferla des quartiers arabes vers les quartiers européens dés le matin, par la Place Kargentah vers la Place d'Armes "pour un défilé pacifique". Comment, alors, expliquer que les hommes étaient presque tous armés, et que beaucoup de femmes dissimulaient un couteau sous leur voile ?

A 11 heures un coup de feu retentit sur la place d'Armes, un signal sans doute, des cris jaillirent : " l'OAS, c'est l'OAS qui nous tire dessus ".

Tout le monde savait que les commandos avaient quitté la ville fin juin. Et qui aurait été assez fou pour provoquer une foule déjà surexcitée ?

En tous cas, ce fut le début de l'horrible carnage : une chasse à l'Européen commença sauvage, systématique. On égorgea, on tua au revolver ou à la mitraillette, on prit des rues en enfilade, tuant tout ce qui bougeait. On pénétra dans les restaurants, les magasins, les appartements, assassinant les pauvres gens avec des raffinements de cruauté, arrachant des yeux, coupant des membres. On vit même des femmes musulmanes dépécer des vivants avec les dents.

Les auxiliaires de l'armée algérienne, les A.T.O. emmenaient les Européens prisonniers par longs cortèges vers le commissariat central où ils étaient battus et tués, ou vers le Petit Lac, ou vers la Ville Nouvelle. Pourtant dans cette folie sanguinaire, des arabes sauvèrent des européens, d'autre intervinrent, et permirent de délivrer des prisonniers.

Le général Katz avait donné l'ordre de ne pas bouger et les 18.000 soldats français qui se trouvaient à Oran, restèrent cantonnés dans les casernes sans intervenir.

Katz téléphona à de Gaulle pour l'informer de l'ampleur du massacre. Le chef de l'Etat répondit " ne bougez pas ". C'est le seul exemple dans l'histoire d'un massacre perpétré sur une communauté sans défense, en présence d'une armée qui laisse assassiner ses ressortissants sans intervenir. La tuerie dura près de six heures. Lorsque à 17 heures les gendarmes français sortirent de leur trou à rats, le calme revint aussitôt.

Les cadavres jonchaient la ville, on en trouva pendus aux crochets des bouchers, dans des poubelles… Dans la chaleur de juillet, la puanteur était horrible. Les soldats français et algériens déversèrent par camions les cadavres dans le Petit Lac et les couvrirent de chaux vive. Nul ne sait le bilan exact de cette Saint-Barthélemy. On parlait dans les semaines qui suivirent de 3.000 morts et disparus. C'est le chiffre que donna le sinistre De Broglie et que reprit le ministre André Santini.

Ce qui est sûr, c'est que le massacre était prémédité car les tueries commencèrent à la même heure aux quatre coins de la ville qui était vaste. On peut presque dire que les morts eurent de la chance, car le sort des disparus qui furent signalés par des témoins dans les mines de l'Algérie, dans des prisons sordides, dans des maisons closes et des bars à soldats, traités en esclaves ou torturés fut sans nul doute pire encore.

La France vient de reconnaître le génocide des Arméniens par les Turcs. Elle nous doit de reconnaître la responsabilité de de Gaule et de son gouvernement dans le massacre des oranais le 5 juillet 1962.

Sans haine, sans amertume mais avec détermination nous demandons que soit proclamée la vérité.

Geneviève de Ternant



12/06/2008
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