Oran, une Ville, une Vie.

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Le plan Simoun

Pour apprécier de façon objective ce que fut le «plan Simoun», pour ceux qui le subirent mais aussi pour ceux qui le décidèrent et le mirent en application, il est indispensable de le situer dans la chronologie de ce qui fut le «printemps noir» de l'agonie de l'Algérie Française.
 
Il faut notamment évoquer la période dont les «historiens» ne parlent pas, la période passée sous silence par la plupart des médias, c'est-à-dire celle qui commence aux accords d'Evian pour se terminer à l'indépendance par l'exode et la «boucherie» d'Oran au début de juillet 1962.
 
Rappelons brièvement les moments les plus marquants :
 
- 19 mars 1962 : signature des accords d'Evian. Ordre de cessez-le-feu du Général AILLERET pour l'Armée française.
 
- 20 mars 1962 : 15 000 hommes de cette même armée font le siège de Bab-el-Oued. Les Blindés et l'Aviation tirent sur ce quartier populaire, théâtre d'un blocus inhumain.
 
- 26 mars 1962 : Rue d'Isly : le carnage. Les forces de l'ordre tirent sur la foule. Certains blessés seront achevés. 80 morts. 200 blessés.
 
- 8 avril 1962 : c'est le «référendum» qui doit approuver les mesures à prendre sur la base des déclarations gouvernementales du 19 mars, c'est-à-dire les accords d'Evian.
 
La population d'Algérie n'aura pas le droit de donner son avis sur le destin de son pays natal. Les électeurs des départements d'Algérie sont écartés du scrutin auquel prendront part - par contre - les soldats du Contingent servant en Algérie et bien sûr les départements métropolitains comme l'Outre-Mer.
 
Depuis plusieurs mois, les unités de l'Armée et de la police, ainsi que les fonctionnaires et les notables jugés «peu sûrs», et ils sont nombreux, sont «expédiés» en métropole et remplacés par des troupes et des personnels fiables. Les bouclages et arrestations, les attentats, les enlèvements se multiplient. Des charniers sont découverts. Les tueurs du FLN font la loi dans certains quartiers des grandes villes comme dans tout le bled. Beaucoup ont été libérés et ont quitté les camps. Ce sont maintenant des Français dans les geôles.
 
11 mai 1962 : Christian Fouchet annonce 6 nouvelles mesures. On lit dans le Figaro du 13 mai:
 
1. Les gendarmes mobiles «entrent» dans les commissariats. Les policiers musulmans, auxiliaires temporaires de la police, vont prendre place dans Alger dès la mi-mai. ils seront dans un premier temps 1200 à 1500 puis 2000 et seront encadrés par des gendarmes qui d'ores et déjà ont pris position dans quatre commissariats d'arrondissement d'Alger. Au total, huit commissariats d'Alger seront ainsi «tenus» par des gendarmes mobiles et les policiers musulmans qui poursuivront «en équipe» la lutte anti-terroriste.
 
2. Expulsion de 50 algérois dont 18 sont déjà «partis» en métropole.
 
3.Troisième mesure, en cours d'exécution, la «révocation» de fonctionnaires : le haut-commissaire demande aux préfets des 15 départements d'Algérie de lui signaler les défaillances des serviteurs de l'Etat afin que des sanctions soient prises à leur encontre.
 
4. Internement de personnalités algéroises et oranaises : ecclésiastiques, médecins, syndicalistes, chefs d'entreprise, etc...
 
5. Dissolution de l'AGE, Association Générale des Etudiants. En outre, un communiqué annonce des expulsions et des internements pour plusieurs animateurs de l'AGE.
 
6. La sixième mesure annoncée par Christian Fouchet nous intéresse particulièrement. Elle concerne l'appel sous les drapeaux des «jeunes européens de 18 ans».
 
Le haut-commissaire demande (et obtiendra) qu'une ordonnance gouvernementale soit prise pour lui permettre, à sa discrétion, de faire incorporer sous les drapeaux, à partir de 18 ans, tous les jeunes européens qui n'auraient pas effectué leur service militaire, y compris ceux qui bénéficient d'un sursis pour terminer leurs études.
 
Cette mesure a été demandée, précise l'article, pour contrecarrer le recrutement des «tueurs de l'OAS» parmi la jeunesse d'Alger et d'Oran.
 
Ainsi donc, après l'Armée, la Police, l'Administration et le Clergé, c'est le tissu social, les, familles, qui sont l'objet des attentions du pouvoir dans le but de fragiliser la résistance qui se destine à vouloir garder l'Algérie à la France.
 
La mise en place progressive des futurs maîtres de l'Algérie précédée de la Force Locale sera ainsi plus aisée.
 
Dans le journal «Le Monde» du 21 mai 1962 un article résume, en quelque sorte, une partie de la stratégie, sous le titre : «la lutte anti-OAS à Alger et Oran», il indique dans le même sous-titre que 10 000 jeunes européens vont être incorporés dans la métropole.
 
Six compagnies de la Force Locale sont mises en place dans les deux villes.
 
Rocher-Noir précise en outre que la mesure qui est prévue pour les jeunes européens âgés de 18  ans touche également les sursitaires.
 
Cette décision deviendra en juin une opération de grande envergure connue sous le nom de code: PLAN SIMOUN

Ainsi donc la jeunesse européenne, que l'on s'apprête à arrêter dans les rues d'Alger et d'Oran pour l'exiler sous bonne escorte en métropole, sous prétexte d'effectuer son service militaire, cette jeunesse donc, cédera la place à la force locale. 
 
Oran s'embrase tous les jours, et résonne sous les claquements secs des armes automatiques et les éclats des explosions. Tous les quartiers sont touchés. La ville présente le visage d'une cité en état de siège. Les gardes mobiles et les CRS (pas encore la Force Locale) sont omniprésents dans les rues. Nous avions du mal à quitter les faubourgs pour nous rendre au centre-ville. Il faut, pour cela, contourner les barrages, déjouer les bouclages. C'est la période où parti le matin, nul ne sait s'il rentrera le soir..

Le plan Simoun mis en application il y a quelques jours est un fiasco. Les jeunes ne se présentent pas spontanément ; les pourcentages de «recrutés» sont loin des prévisions. Les contrôles dans les rues, les magasins, les bars, les lieux publics sont nombreux

Le plan SIMOUN avait donc été appliqué et atteint son premier objectif : éloigner la jeunesse d'ORAN et d'ALGER pour mieux sacrifier notre pays. Ce ne fut qu'un très modeste épisode de l'histoire de l'Algérie Française. Il n'eut pas d'influence sur le cours des événements, bien que quelques familles en subirent les conséquences. Le secret a toujours accompagné ce plan qui est souvent méconnu.
 
Seul le livret militaire des jeunes pieds-noirs «mobilisés» indique à la page 3 : «Sursis annulé en application des dispositions de l'ordonnance n° 62-574 du 17/05/1962 et de l'arrêté du Haut Commissaire en Algérie du 19/05/1962. Appelé en activité le ... »
 
Il manque donc une date et pour cause car le terme d' «appelé» ne s'applique pas à notre cas, d'autant que le Conseil de Révision, indispensable à toute incorporation n'eut bien sûr pas lieu.
 
Je fus donc classé :
 
«BON ABSENT pour le SERVICE ARME (B.A.S.A) par le Conseil de Révision en 1962».
 
Cela ne nous empêcha pas d'effectuer notre service militaire jusqu'à son terme pour retrouver une nouvelle vie, en métropole, et faire notre deuil de notre Algérie.


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27/05/2009
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