Le jour où tout bascula
Embuscades, rafales de mitraillette, grenades, voitures piégées, coups de fusil, coups de couteau ...... Je ne comprenais rien à cette sarabande macabre. Mais j'entendais ........ J'entendais les bruits, les explosions, les cris, les tirs, les sirènes des ambulances dans la ville. Je voyais les gens courir. Rien de plus inquiétant pour moi que le bruit de pas de course, surtout lorsqu'on ne sait pas ce qui se passe, et un jour la réalité vous frappe en pleine figure.
Samedi après-midi, veille de match réunion au stade du Rail avec notre entraineur. Comme d'habitude, composition de l'équipe, tactique. etc...... Nous apprécions beaucoup ces réunions, notre entraineur Monsieur Martinez véritable éducateur de football avait pour vocation, en dehors de tous discours propres à un entraineur, de nous transmettre une éducation sportive sur la base du respect et du fair-play, de développer un état d'esprit fondé sur le plaisir de jouer et sur la volonté de progresser. Merci monsieur ......
Sur le chemin du retour, en descendant la rue Abricotier vers la rue de Mostaganem soudain, une grosse explosion puis une autre, ce fut un bruit assourdissant. Rue de Mostaganem les gens couraient de partout. A l'arrêt de bus un peu plus loin du commencement de la rue Beauharnais face au café de Franco un brouillard de fumée et de poussière jaunâtre si épais qu'il aveuglait et cachait un bus détruit par les explosions, des cris, des hurlements et du sang partout. Je n'ai qu'un souvenir confus entre la rue de l'abricotier et le bus. C'est à ce moment là que je pris conscience de l'attentat. Je tairai ici la scène épouvantable que j'avais devant moi, mais je n'ai jamais oublié. Ouafi me prit par le bras "Viens, ne restons pas là".
Plus tard, j'avais du apprendre à gérer une expérience qui m'avait confronté brutalement, en quelques fractions de secondes, à la noirceur absolue de l'horreur et la folie meurtrière des hommes.