Notre incorporation à Modane
Après une journée passée à la caserne de Lyon, le dimanche matin nous étions une vingtaine à rejoindre Modane par GMC. Les hommes qui nous conduisaient maintenant ne portaient plus d'armes.
Début d'après-midi, nous avions été accueillis à la caserne de Modane de façon très banale et regroupés au milieu d'une grande cour où s'élevaient deux grands bâtiments. Nous étions observés comme des gens venus d'ailleurs. Le chef de corps, le colonel ORTZ, s'était déplacé exceptionnellement pour nous accueillir. Quelques propos présentaient notre voyage comme une simple incorporation alors que nous vivions une véritable déportation et que nos cœurs et nos esprits étaient auprès de nos familles et amis à Oran.
Le soir même, une courte et violente bagarre avait éclaté au foyer suite à quelques insultes proférées à notre encontre.
Le lendemain, nous touchions notre parquetage militaire du 15ème BCA. On nous reprochera notre attitude de la veille au foyer et un gradé second du colonel après une mise en garde essayait de nous faire passer un message qui se voulait amical.
Un transistor nous donnait des informations que nous écoutions avec attention et méfiance. C'est ainsi que nous apprenions au début du mois de juillet qu'officiellement l'Algérie n'était plus française et accédait à l'indépendance.
Au mois d'Août nous avions été réunis au grand complet et notre chef de corps nous annonça que nous pouvions, si nous le désirions, "rentrer dans nos foyers". Quels foyers ? La plupart d'entre nous n'avaient aucune nouvelle de leur famille. Nous pouvions aussi, selon le chef de corps, effectuer normalement notre service militaire.
La quasi-totalité de notre groupe avait choisi de rester sauf un. On nous avait déporté en un jour, on nous avait embarqué loin de notre famille, l'Algérie était perdu, nos familles dans la détresse et maintenant on voulait nous renvoyer d'où on venait ... autant rester et faire son service militaire. Il ne restait plus qu'à attendre d'avoir des nouvelles de notre famille. L'attente fut longue et angoissante : deux mois, et enfin la délivrance vers la mi-août un premier courrier de mes parents. TOUT VA BIEN.