Nous "Ôtres" de la rue Bernardin.
Trois bandes de petits garnements se disputaient le territoire : la bande de la Montanica (petite colline), la bande à Cerdan et nous « Ôtres ».
La territorialité donnait lieu à de furieuses baroufa (bataille rangée, grande bagarre). Chaque bataille était préparée minutieusement et nos armes, des épées en bois et projectiles divers faisaient l'objet de la plus grande attention. Les armes étaient toujours prêtes au cas où.
On avait un allié de « taille » en la personne de monsieur Sicsou, le menuisier de notre rue. Il nous fabriquait nos épées et boucliers en bois.
D'autre part l'épicier, en bas de chez moi, nous fournissait en œufs pourris. C'était une arme redoutable.
Le noyau dur de notre bande était, alors, formé de :
- François-Lou (un phénomène celui-là)
- José (mon ami de toujours)
- Ouafi (mon frère musulman)
- Marcel 1 (surnommé « Boccacha » à cause de sa bouche)
- Marcel 2 (surnommé « tête brûlée » parce qu'un jour pour voir à l'intérieur d'un bidon d'essence, il avait mis une allumette)
- François-Louis (dit « papa Louis »)
- Francis Monson (dit « le mulet qui parle »)
- Claudou (il était tellement maigre qu'on l'avait surnommé « Doudou fils de la colle et du caoutchouc »
- Ben Baruk (son prénom était Gérard mais on l'appelait toujours par son nom)
- Daniel (surnommé « petit-cul »)
- Christian (mon cousin)
- Et …… moi-même.
A ce noyau dur, s'ajoutaient régulièrement des garçons des rues avoisinantes.
Pendant quelques années, les rues du quartier saint-pierre ont vu de furieuses « castagnes ». Lorsqu'on avait utilisé les œufs pourris, les rues ressemblaient à un vrai champ de bataille. Les balayeurs étaient furieux.
En temps de paix, nos différents se réglaient dans une partie de football « acharnée » où l'on visait plus souvent les tibias de nos adversaires que le ballon.
De huit à treize ans que de belles années, pures, franches, libres, pas encore polluées par des phantasmes sexuels, des besoins d'argent, des rêves d'adultes.….
Les sept premières notes de la chanson de Popeye le marin étaient notre signe de ralliement.
Lorsque ce sifflet retentissait dans les cages d'escaliers tous les copains descendaient dans la rue et s'organisaient alors des jeux divers et variés en fonction des saisons, de l'actualité ou de notre bon vouloir.
Quand l'enjeu était important, les discussions n'avaient pas lieu dans la rue où des oreilles indiscrètes pouvaient entendre et trahir nos secrets, mais dans la cour de la maison de Ouafi..
C'était là qu'on organisait les « bêtises » qu'on allait pouvoir faire à nos souffres douleurs.
Toute la bande s'esclaffait, les idées fusaient, les plus saugrenues, les plus fantaisistes, mais petit à petit le scénario prenait forme. La discussion durait des heures, entrecoupée d'énormes éclats de rire et de « tapes cinq » sonores.
Tapes cinq, qui était un de nos gestes favoris, avait mille significations, la main bien droite et les doigts écartés (cinq) venait heurter la main du copain et plus le geste était bruyant, plus il avait de valeur.
Tapes cinq signifiait d'accord ou chiche ? Ou j'approuve, ou des tas de choses, mais c'était surtout un signe d'amitié qui concluait bien des phrases.