Lourmel
Lourmel était un charmant petit village situé à 42 kilomètres au sud-ouest d'Oran, bordé au nord par la mer. Un joli dimanche de printemps dans le cadre d'un match de championnat déplacement en car à Lourmel. Le club local n'ayant pas d'équipe junior, avec deux ou trois joueurs de notre équipe junior nous sommes appelés à jouer avec l'équipe réserve en lever de rideau du match de l'équipe première. J'étais heureux mon frère qui venait d'être libéré de son service militaire nous accompagnait. Après plus de 28 mois d'absence, j'avais hâte de lui montrer mes progrès en football. Et à notre retour à Oran une "boum" nous attendait chez mon ami René qui lui aussi faisait partie du déplacement.
Une forte population musulmane est sur place et les équipes de Lourmel étaient pratiquement musulmanes. Notre match se termina par une victoire 3 à 0 dans un contexte assez musclé. J'avais marqué un but et très heureux de ma réussite j'avais adressé un signe à mon frère comme pour lui dire "c'est pour toi".
Pour le match de l'équipe première, nous nous retrouvâmes dans des petites tribunes en béton qui s'élevaient pour se terminer par un petit mur avec un vide en dessous. Pendant le match, les esprits s'étaient échauffés pour devenir après des insultes des menaces. Nous avions décidés de ne pas répondre aux provocations pour éviter tout débordement. Manifestement, les locaux n'avaient qu'une idée : nous lyncher. En réponse aux menaces "la valise ou le cercueil" avec des signes d'égorgement, certains avaient riposté pour ne pas céder à leurs intimidations. José, malgré nos conseils de ne pas répondre, avait continué. D'un seul coup, un groupe s'était précipité vers nous et Christian, le premier à leur faire face, était tombé sous les coups. Ils étaient plusieurs sur lui. Je ne pouvais pas laisser mon cousin se faire massacrer et sans réfléchir à coups de poings et de pieds j 'avais essayé de le dégager. Les coups pleuvaient de partout et pour s'en sortir il fallait à tout prix s'extirper de la mêlée. Au départ, je voulais me retirer vers le haut de la tribune mais je m'étais dit que s'ils me rattrapaient, ils me jetteraient par dessus le mur dans le vide. Alors une seule solution descendre des tribunes. Je ne sais pas combien de fois j'étais tombé et relevé avant d'atteindre le bas. Mon frère me voyant pris dans la bagarre s'était jeté avec rage sur eux. Les joueurs de l'équipe première étaient sortis du terrain en courant pour aller défendre leurs femmes et quelques enfants. Robert le gardien de l'équipe première avait pris des cageots et barres de fer d'une terrasse qui surplombait le but.
L'intervention de monsieur le maire et de quelques gendarmes avait mis fin à la bagarre générale. Peu à peu, j'avais retrouvé les copains mais nous étions inquiets pas de José. Au bout d'un moment, celui-ci réapparut fier de nous dire j'ai sauvé la mouna (notre quatre heures). Malgré la gravité de la situation nous avions été pris de fou rire. Plus tard, quand nous évoquions Lourmel c'était pour parler de José et de sa mouna. Aujourd'hui encore aux retrouvailles des copains, ce souvenir avec José nous ramène avec tendresse à cette journée à Lourmel, malgré que celle-ci aurait pu être dramatique, il suffisait que certains d'entre eux sortent des couteaux ou autres armes.
Nous avions ramenés de ce déplacement bosses et autres contusions. Mon visage marqué avait inquiété mes parents. Bien sur, avec mon frère nous n'avions pas dit ce qui s'était passé à Lourmel, mais mon père, le lendemain, l'avait su en lisant l'écho d'Oran, un article avait été consacré à cet évènement.
Par contre, nous n'avions pas bonne mine à notre arrivée à la boum.