Oran, une Ville, une Vie.

Oran, une Ville, une Vie.

Poèmes.

Vagues venues de là-bas

 

Le soir arrive, muet,
Et ce jour étrange d'été
Dans son refuge secret,
Lentement va s'en aller
Pour seul se reposer.
Et je suis là, allongé
Sur la plage abandonnée.
Une à une exténuées,
Les vagues viennent à mes pieds
Sans une plainte se coucher.
J'essaie en vain d'écouter
Leurs mots murmurés.
Vont-elles enfin me parler
De mon Pays qu'elles viennent de quitter ?
Vont-elles enfin me parler
Des senteurs d'orangers,
De l'ombre parfumée des lauriers ?
Vont-elles pouvoir me raconter
Les voyages du sirocco inapprivoisé !
Vont-elles me rappeler
Les chemins abandonnés
De mon enfance tant aimée ?
Je me penche lentement vers elles,
Prends dans mes mains tremblantes
Leurs corps tristement défaits.
J'essaie de percevoir leurs mots chuchotés,
Mais malgré mes efforts recommencés,
Je n'entends pas leurs secrets

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Ne sois pas triste Oran

Ne sois pas triste
Oran, ma toute belle
Dans ce soir lascif qui se traîne sans bruit
Au pied de Santa Cruz
Au milieu de pétales de roses et de lilas...
Ne sois pas triste Oran ma toute belle,
Sous ton maquillage qui fout le camp,
avec ton corps vieilli,
Tes yeux cernés à force de pleurer,
Et ton regard qui fuit.
Ne sois pas triste
Oran, ma toute belle,
Je te reconnais quand même,
Et tu vois, mes mains tremblantes se tournent vers toi
Et effacent d'un geste,
Les rides ocrées du temps qui t'a blessée.
Ne sois pas triste ,
Oran, ma toute belle,
Tes hommes ne sont plus près de toi,
Mais ils n'ont pas cessé de t'aimer,
Ne sois pas triste
Oran ma toute belle,
Je sais qu'il y a encore dans ta tête
des dizaines de songes,
et dans ton coeur, des souvenirs de bonheur.
Ne sois pas triste
Oran, ma toute belle
Tu te caches dans la lumière qui s'éteint,
Mais je te vois toujours,
Et la toile bleutée de la nuit,
Et ses colliers d'étoiles,
T'habillent en princesse de la mer.
Le temps qui s'enfuit
A la cadence lente
Du va et vient des vagues d'argent
Et la longue prière silencieuse
Qu'est ta solitude,
Se perd dans le sable des heures
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Goût d'Oran

Comme le temps a un goût rance

J'aimerais tant revoir Oran

Et les villages de mon enfance

Et les Arabes lire le Coran

Saïd mon ami je suis trop loin de toi

Saïd mon ami que deviens-tu sans moi

Les vignes abandonnées brûlées par le soleil

Les vignes abandonnées n'ont plus de fruits vermeils

Dans l'église déserte le Christ crucifié

Regarde l'autel vide et la foi sacrifiée

La cloche qui sonnait l'angélus du soir

Tinte lugubrement le glas de nos espoirs

Le sage accroupi à la peau burinée

Dans l'ombre qui s'agrandit égrène les années

Vieil homme tu crois en Dieu et tu te sens si las

Mais ta grande sagesse te fait dire inch'Allah

Comme le temps a un goût rance

J'aimerais tant revoir Oran

Et les villages de mon enfance

Et les arabes lire le Coran

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Mur des Disparus

 

De notre histoire ce sont les dernières pages de pierre
Contre lesquelles viennent buter des fronts attentifs
Les noms à la lecture si familiers à notre mémoire
Mais si inconnus dans nos souvenirs
Trahissent sang et larmes mêlés
Ils sont attentes stériles, espérances frustrées
De funestes pages noires gravées pour l'éternité.
Eux ne sont jamais revenus à la maison
L'appelé n'est jamais rentré dans son pays
Saïd a été pris pour toujours dans la nuit
Et n'a jamais été retrouvé le frère aux yeux clairs
Parmi les suppliciés de l'été oranais.
Resté sans sépulture dans une Histoire sans cœur
Sans étoile sans croix sans pierre tombale
Chaque nom porte en lui un sort injuste et fatal
Loin de tous ceux que nous n'avons plus revus
Loin du pays aimé, loin des terres par eux foulées
Récitons-nous leurs noms sur la pierre gravée

 

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Sur la Terre où je suis né

 

Sur la terre où je suis né poussent de belles fleurs

Qui enrichissent la palette des champs à la saison

La frivole marguerite  se rit des armées de coquelicots

Venus en bataillons serrés  rougir les collines

Sur la terre où je suis né d'intrépides gamines

Aux longues jambes brunies par le soleil

Dépouillent de leurs fruits les haies de nopals

Tressent des colliers de fleurs de jasmin

Sur la terre où je suis né des enfants pieds nus

Vont sur les chemins de pierre offrir leurs sourires

De jeunes garçons regardent leurs corps dans la mer

Enivrés d'anis des hommes chantent la paix des cœurs

Sur la terre où je suis né les passions ont explosé

Salissant les campagnes d'un sang innocent

Par dessus les toits en feu des cendres se sont élevées

Noires hirondelles d'un funeste printemps

Annonçant à tire-d'aile d'irrémédiables exils

Loin de cette terre où je suis né .

 

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Rivage d'Oranie

 

Jocelyn Perpignan

 

Assis sur un rocher j'écoute bien souvent
L'enivrante chanson de la Mer et du vent.
La mer est à mes pieds, si bleue, belle et immense
Qu'elle me fait rêver : je la regarde et pense.
Elle étanche ma peine en douceur et sans peine
Quand parfois j'épanche ma douleur et l'entraîne !
Un vague murmure venant des vagues, oh!
Infini et vivant petit clapotis d'eau.
Monotone et prenant est son refrain qui traîne,
C'est la douce chanson d'invisibles sirènes.
Mais je regarde au sud, au-dessus de l'écume,
Une terre là-bas, apparaît dans la brume.
Cette mer caressant la côte d'Algérie
Vient rouler les galets de mon pays chéri.
C'est ma terre natale et c'était ma patrie :
Pour elle je n'avais que de l'idolâtrie !
C'est mon " Île " perdue, loin de moi, éthérée,
Ne sachant toujours pas si je la reverrai.
J'ai tout laissé là-bas, mes plus belles années
De l'autre côté de la Méditerranée !
Malgré qu'il m'ait trahi, malgré qu'il m'ait banni,
Je n'oublierai jamais mon pays d'Oranie.
Je n'oublierai jamais cette ville d'ORAN
Pour tous mes souvenirs, un hommage lui rends.
Je n'oublierai jamais son merveilleux rivage
Que j'ai souvent longé, à pieds ou à la nage :
De la 'Pointe d'Aiguille' aux criques de 'kristel',
Des genets du 'Cap Roux' au plat de 'Canastel' ;
Des Falaises d'Oran aux mains de 'Notre Dame'
Protégeant le 'Vieux Port' où j'ai fait de la rame ;
Du haut de 'Santa Cruz' aux jetées de "Kébir"

Enserrant dans ses bras sa rade et ses navires ;

Du "Fort de l'Escargot" au "Rocher de la Vieille

Où le point de vue est une pure merveille :

La Corniche enlacée sur la route des plages,

Le chemin du bonheur, du soleil, du bronzage ;

Je n'oublierai jamais cette vue maritime :

Sa côte découpée dans sa beauté sublime !
Du sable de 'Trouville' humecté par la mer
Où le soleil et l'eau se mariaient à la terre ;
Des plages 'd'Aïn el Turc', au bout du 'Cap Falcon',
De ses sables dorées frôlés de mon balcon ;
De ses fenouils de sable aux asperges du Phare
Qu'un jour m'y promenant, j'ai trouvées par hasard !
Et puis 'les Corales', aussi 'les Andalouses',
Et toi belle 'Île plane' que la mer épouse !
Et vous 'Les Habibas' en face du 'Cap blanc',
Vous reverrai-je un jour et pour tout dire : quand ?
Alors ces souvenirs qui viennent m'assaillir
Me font tergiverser : l'aimer ou la haïr ?
Car ayant tout perdu, de tout mon paradis,
Il ne me reste plus que son nom : ORANIE !

 

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24/05/2008
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