Oran, une Ville, une Vie.

Oran, une Ville, une Vie.

Drame à Mers-El-Kébir

Malgré les événements, la vie suivait son cours et le football continuait à nous apporter un peu de répit. Beaucoup de matchs sont annulés dans les petits villages mais à Oran certains se jouaient et bien souvent sous la garde de l'armée.

Début mars 1962 à Mers-El-Kébir, mon club le RCO rencontre l'équipe locale La Marsa. Pour ce déplacement, exceptionnellement le club fait le court trajet en car. Dans l'enceinte du stade, une place est réservée pour les cars des  équipes visiteuses. Ce petit stade est magnifique et perché au dessus de la mer. Je le connaissais en tant que spectateur et pour la première fois j'allais le fouler en tant qu'acteur.

A l'arrivée  au stade, le gardien nous ouvre les portes et nous dirige vers le parking des cars. Devant la petite maison du gardien jouaient deux enfants, mes yeux se portent sur eux. Quelques jours après .....

 

........ Il était environ 11h, un groupe de Musulmans fit irruption dans la conciergerie du stade de La Marsa, à Mers El-Kébir, tout près de la base militaire. Dans une véritable crise de folie meurtrière collective, ces hommes s'emparèrent de la gardienne, une européenne de trente ans, Mme Josette Ortéga et, sans la moindre raison, à coups de hache, la massacrèrent. Couverte de plaies affreuses, dans un ultime effort, elle tenta de s'interposer entre les bourreaux déchaînés et son petit garçon, mais en vain. Les tortionnaires déments frappèrent encore sous les yeux horrifiés du petit André, quatre ans, puis quand il ne resta plus qu'une loque sanguinolente, ils se saisirent de l'enfant et lui broyèrent le crâne contre le mur.
Alors que, leur forfait accompli, ils s'apprêtaient à partir, ils aperçurent la fillette, Sylvette, cinq ans, qui venait du jardin, les bras chargés de fleurs. Aussitôt l'un des hommes se jeta sur elle, la roua de coups puis, la saisissant par les pieds, lui fracassa la tête contre la muraille.

Quand M. Jean Ortéga, employé à la direction des constructions navales, franchit la grille du stade, le silence qui régnait le fit frissonner. D'ordinaire, ses enfants accouraient, les bras tendus dans un geste d'amour. Une angoisse indéfinissable le submergea. Il approcha lentement, regarda autour de lui… puis, là, dans la cour, un petit corps désarticulé tenant encore dans ses mains crispées des géraniums, la tête réduite en bouillie, une large flaque de sang noirâtre tout autour.

 L'univers qui tourne comme une toupie : rouge, noir, blanc ; parler… crier… non… rien : l'effondrement enfin, salutaire, libérateur, mort et vie à la fois : le hurlement. Il se précipita, se figea devant le corps de son enfant, les yeux fixes, la bouche ouverte, semblant avoir été atteint par une soudaine paralysie. Puis son regard se porta à l'entrée de la maison… une mare de sang, un corps gisant, disloqué, mutilé par d'horribles blessures et près de lui, une petite forme qui n'avait plus de visage humain. Ce fut l'écroulement, la folie, la fin du monde…

        Ce sont là des mots qui pleurent et des larmes qui parlent…


Comme on pouvait s'y attendre, la funeste nouvelle se répandit comme un éclair. Le nom des victimes courut sur toutes les bouches ; les commentaires, les controverses violentes, les supplications lamentables, les récits décousus, les vociférations se fondèrent en une rumeur profonde d'ouragan prêt à se déchaîner.

 Les Kébiriens étaient anéantis. La famille Ortéga était connue et aimée de tous. Les supporters du club de football "La Marsa" la côtoyait chaque dimanche.  Après le choc, ce fut la révolte… Comment demeurer impassible après une telle monstruosité ? Comment prêcher la modération à un père qui découvre pareille horreur ? Quelles paroles de consolation pourrait-on lui apporter ? La lutte pour l'indépendance de son pays justifie-t-elle de semblables abominations ?

 

 




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