Partir ou ne pas partir.
A Oran l'armée ne protégeait plus les faubourgs contre le terrorisme . Les trottoirs se couvraient de cadavres. Beaucoup de jeunes avaient rejoint l'OAS pour ainsi se protéger, voir attaquer les bases du FLN. Pourchassés par les gendarmes mobiles « rouges » du général KATZ, ils ripostèrent. La France s'indignera que l'OAS tirent ainsi sur des uniformes français sans jamais reconnaître sa responsabilité dans ses actes de désespoir, et aussi sans jamais reconnaître la barbarie de ces français.
KATZ sera surnommé par les oranais « le boucher d'Oran », « donnez-moi un bataillon de l'ALN, et je réduirai Oran ! ». C'était à peu de choses près ce qui allait se passer. La population civile européenne était traitée avec de tels excès que le Conseil de l'Ordre des avocats d'Oran avait élevé une protestation contre ces « attaques contraires à la convention de La Haye en temps de guerre » . S'attirant, cette réplique sans la moindre ambiguïté du préfet de police de la ville : « Nous sauverons, malgré eux, les français d'Algérie. S'il le faut, nous tirerons sur tous les individus, sur toutes les terrasses d'où l'on fera le coup de feu en direction des forces de l'ordre ». C'était bien ce qui sera fait. De nombreux oranais complètement innocents allaient être victimes de la répression impitoyable des « rouges » du général KATZ.
C'était aussi pour réduire Oran qu'avait été organisé l'opération Simoun. En mai 1962, le plan Simoun (nom de code), de triste mémoire qui est passé longtemps sous silence et qui fût une véritable déportation, prévoyait l'appel sous les drapeaux des jeunes entre 18 et 25 ans. Suite à une liste bien établie, ces jeunes avaient 3 jours pour se présenter, au-delà, ils étaient considérés comme des déserteurs. L'appel fût un échec. Les jeunes oranais qui avaient atteints cette limite d'âge, seront traqués, raflés et transférés d'office en métropole. C'était autant de soutiens ou de combattants en moins pour l'OAS.
J'étais concerné par le plan Simoun, mais je refusais de m'y soumettre.
De tous mes copains, j'étais le premier concerné de la liste et certainement le plus intransigeant à ne pas partir mais je n'avais pas de repaire. Fallait-il partir ou faire de la résistance. Des rumeurs ou informations alarmantes nous arrivaient, en cas de refus il ne fallait surtout pas être pris dans une rafle, ou bien un membre de la famille (père ou frère) pouvaient être pris en otage si on ne se présentait pas.
Le 31 mai 1962, le général Edmond Jouhaud remet au directeur de sa prison une lettre rendue publique le 5 juin et diffusée sur les ondes :
Chef de l'OAS, dans mes moments difficiles je pense être entendu et compris par tous ceux qui m'ont fait confiance, j'ai été avec tous les algériens dans le meilleur et dans le pire et je me sens aujourd'hui plus que jamais attaché à la terre d'Algérie, à l'Algérie de toujours.Nous avons voulu, Européens et musulmans fidèles , conserver l'Algérie dans la France …Nos sentiments n'ont pas variés mais les événements ont pris en Algérie le cours de l'irréversible . L'Algérie française pour laquelle nous avons tous accepté de mourir, qui a fait l'objet de tant d'enthousiasme, d'espoirs, de foi, ne peut plus malheureusement se concevoir d'une manière réaliste. L'indépendance est un fait pratiquement acquis qui nous révolte …Lorsqu'un chef estime que la bataille est sans issue, lorsqu'il a conscience que tout a été tenté pour vaincre, que l'honneur est sauf, lorsqu'il a payé de sa personne, il est pour lui un moment douloureux, tragique, c'est d'arrêter les combats …La mort dans l'âme je demande à tous ceux qui m'ont obéi de ne plus insister, il faut arrêter les attentats aveugles contre les musulmans …… il importe que l'action de l'OAS cesse au plus tôt, c'est son chef qui le demande à tous ceux qui sont spontanément mis à ses ordres.Que Dieu vous garde.
C'EST FINI.
Lorsque j'ai tourné le bouton de la radio pour l'éteindre, ma décision était prise : JE PARS.