Le bourricot.
François-Lou nous dit :
« si un jour on tue ma sœur, moi je tue tout le monde »
J'ai fermé les yeux. Le suicide d'Alexandre, les mots de François-Lou …tout ça commençait à me faire peur.
Qu'est-ce qu'on voulait, mes copains et moi ? On s'en fichait de l'Algérie Française ! On voulait simplement jouer au foot, lire des revues érotiques, danser avec les filles en se frottant comme des fous, bref, on voulait vivre, quoi…
Et voilà notre arabe. Il avait débouché tranquille, au tournant. Il était sur un âne. Il avançait doucement. Avec la bouche il faisait du bruit pour que l'âne aille plus vite et, il bougeait les jambes de chaque côté, elles touchaient presque par terre tellement elles étaient longues et maigres . L'âne était chargé, à peine s'il pouvait avancer.
« Celui-là, nous dit, François Lou »
« Tu es sûr ? », je demande parce que je n'étais pas du tout tranquille.
L'arabe s'était mis à chanter.
« Tu es sûr ? » je murmure encore.
Francois Lou ne répondait pas, il regardait.
D'un seul coup, il s'était levé avec son grand cri de guerre : « Hiiiiiiiiiiiii. »
Son regard bleu était froid, il était plus pâle que jamais.
L'arabe au départ ne nous avait pas vu et lorsqu'il nous vîmes avec le pistolet , ses yeux étaient devenus grands, il s'était mis à crier et voulut descendre de l'âne.
L'arabe et l'âne étaient tombés en même temps et l'arabe s'était redressé comme un ressort et il s'était mis à courir à toute vitesse, sauté dans le fossé , on ne le voyait plus. Seuls les buissons bougeaient un peu, François- Lou son bras était resté droit , puis il l 'avait replié et ramené vers lui.
Il avait baissé la tête, puis regardé le pistolet et s'était écrié :
« La putain… ».
Un peu plus loin l'âne s'était arrêté.