Les odeurs de là-bas
Je sens le frais parfum de la blanche anisette dans le verre embué.
Et celui des brochettes aux portes des cafés, c’est l’odeur de là-bas.
Je suis transporté sous l'oranger en fleurs et les souvenirs, soudain, ouvrent tout grand le livre et toutes les senteurs se mettent à revivre.
C'est un ciel éclatant d'azur et de vermeil, c’est une mer d’émail bleu ondulant au soleil, c’est la vigne naissant au sein des terres rouges.
C'est midi si brûlant que l'ombre seule bouge c’est l’ardente clarté courbant les floraisons, c’est la chaleur, c’est notre maison écrasé de soleil.
Je respire à pleins poumons cette odeur généreuse et je vois le bourricot sur la route poudreuse qui trotte résigné, chargé de lourds paniers qui lui battent le flanc.
Je retrouve les palmiers aux écailles brunies dont la houppe balance vers les cieux en fusion la verte nonchalance..
Je respire bien fort les parfums de là-bas et je vois encore emplissant les cabas en tunique de sang la tomate pulpeuse, l’orange ensoleillée et la grappe juteuse des raisins.
Je respire encore bien fort les parfums de là-bas et je sens aussi l’odeur épicé des couscous, des paëllas fumantes, des poivrons grillés, des brochettes et des rates farcies.
Je vois les figues sucrées emplissant la corbeille près desquelles tournoient les abeilles.
Je sens l’odeur des jasmins langoureux et obsédant et celui des bougainvilliers.
Nous mordions dans la vie, ensemble, à pleines dents et c’était la joie, le rire ……. C’était le bonheur.
Le passé contenu dans ces fortes senteurs c’était les temps heureux, c’était notre richesse
Car l'odeur de là-bas, c'était notre jeunesse !