Oran, une Ville, une Vie.

Oran, une Ville, une Vie.

Rue Bernardin

Je suis né à Oran, au bord de la méditerranée, au quartier St Pierre, rue Bernardin.

A l'ouest de la rue, les escarpements de la montagne de Santa-cruz qui domine la ville, dressent vers le ciel immaculé, la vierge blanche et bleue, patronne de la ville.

Cette statue fut érigée au sommet de la chapelle au milieu du XIXème siècle. En 1849, le général Aimable PELISSIER était gouverneur de l'Algérie. Cette année là, une épidémie de choléra décima la ville d'Oran. Le 1er novembre de la même année, le général PELISSIER interpella l'abbé SUCHET, vicaire général d'Oran, « Mais qu'est ce que vous faites monsieur l'abbé, vous dormez ? Vous ne savez donc plus votre métier ? le choléra ? Nous n'y pouvons rien : ni vous, ni moi, ni personne ne pouvons l'arrêter. Je ne suis pas curé et pourtant, c'est moi Pelissier qui vous le dis ; faites des processions ! »

Et l'officier jeta comme un cri de désespoir ou de suprême espoir ces mots devenus célèbres : « Foutez-moi une vierge la-haut sur la montagne, elle se chargera de jeter le choléra à la mer. »

Dès le dimanche 4 novembre est organisée une procession vers la montagne du Murdjadjo. Quelques heures après, le ciel s'assombrit….. quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber. La pluie s'arrêta, puis elle repartit en fines gouttes. Miracle.

Le miracle de la pluie a eu lieu. Il a marqué à jamais les esprits de nos anciens. Une vierge fût érigée, dès 1850, au sommet de la chapelle de la colline, près du fort espagnol de Santa-Cruz, sur le pic de l'Aidour. La vierge du « salut » devint Notre Dame de Santa-Cruz et serait désormais patronne de la ville.

A partir de la mer, après le port, il faut gravir la Route du port, qui serpente en colimaçon vers les hauteurs de la ville. C'est une avenue large et sinueuse. Elle vous mène bientôt au premier étage de la ville le boulevard Front de mer, merveilleux balcon au-dessus de la baie. A partir de cette terrasse s'offre un magnifique panorama.

On traverse la place du monument aux morts, on suit la large avenue Loubet  et on débouche sur la place des victoires, cœur moderne de la cité.

Comme la ville s'élève en amphithéâtre, on gravit une rue en pente abrupte : rue Arago. On aboutit rue Dufour, plate, en légère descente vers la place Hoche. De là, part la rue Beauharnais, une rue de nouveau en pente, sévère vers le haut et la troisième rue transversale …… la rue Bernardin.

Le patio Molina et le patio roto, vieilles constructions arabo-andalouses du XVIII siècle, contrastent avec les petits immeubles récents et les quelques villas de la rue.

Ces bâtisses, sont le témoin de l'histoire de ma ville et de mon enfance.

La maison où j'habitais, était située à mi-pente entre la rue d'Arzew (qui deviendra la rue du Général Leclerc) et le plateau St Michel où naquit le célèbre Yves St Laurent.

C'était un immeuble du début du siècle comprenant trois étages. Pour entrer, on empruntait un long corridor, froid pendant la mauvaise saison, mais qui se transformait en un havre de fraîcheur pendant les grosses chaleurs de l'été.

Au bout du couloir, en bifurquant à gauche, en trois pas on accédait à une petite cour.

Dans cette cour, se trouvait l'appartement de mon ami José.

Face au couloir, se trouvaient les escaliers, blancs et propres, pour accéder aux étages.

A chaque étage, une galerie avec deux appartements. Ces galeries surplombaient la petite cour.

Le couloir, les escaliers et les galeries étaient lavés tous les jours. La propriétaire et les locataires de l'immeuble se faisaient un honneur à tenir propre l'immeuble.

Le troisième et dernier étage était occupé par une large terrasse  carrelée de rouge. Des fils d'étendage rayaient le ciel sur toute sa longueur. Elle était délimitée par des murets recouverts de goudron à leur base. Sur cette terrasse s'élevaient deux petits cabanons qui servaient de débarras et une buanderie ajourée par deux vasistas et une fenêtre, c'était une buanderie commune aux locataires. Il s'y dégageait suivant les opérations de lavage, une odeur de savon de Marseille, de cristaux de sodium ou une écœurante odeur de sapindus.

En face de ces pièces, à l'endroit où aboutissaient les escaliers et sur la galerie se nichait un appartement, ma maison …….. la maison du bonheur.

C 'est là que j'ai grandi. Entouré, protégé, aimé et couvé par mes parents et mon grand frère. 

La rue Bernardin était plutôt longue. Elle allait de la rue Réaumur à la rue de l'Alma. Mais notre portion de rue allait de la rue Réaumur à la rue de Turenne.

La rue Bernardin était une rue assez animée, où l'on pouvait trouver : une épicerie, un bazar marchand de journaux et de tabac, un salon de coiffure, un cordonnier, un ébéniste, une villa hôtel, mais aussi un café à l'angle de la rue Réaumur et rue Racine  et plus loin vers la rue de l'Alma une petite école maternelle.

Tous les jours, on pouvait voir les marchands ambulants : poissons frais, légumes et fruits, le marchand de tchumbo  (figues de barbarie), le marchand de calentica, le marchand de caracoles (escargots), le marchand d'oursins, le marchand de glace, parfois le marchand  d'eau, le rempailleur de chaises, le tondeur de chiens, et aussi les camions de livraison. Tout cela réglé dans un joyeux va et vient comme un vrai ballet.

Par ailleurs, le faiseur de pluie et son taureau noir, l'aveugle et sa mandoline, venaient une fois par semaine se mêler aux autres. Tous ces gens se croisaient avec les habitants de la rue et  tout ce petit monde apportait de l'animation et une certaine joie de vivre.

 

          

 



03/05/2008
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